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heure, à la fois un démagogue, un musicien, un comédien, un orateur ! Qu’il arrache au papier le verbe pour le lancer à travers l’espace ! Qu’il se garde de confier à l’individu le sentiment ainsi qu’un secret fragile, mais qu’il le jette dans l’écume bouillonnante de la multitude ! Grâce à ce pathétique, la poésie ne suscitera pas des hommes faibles et passifs, dont, à chaque minute, les impressions sont à la merci des modifications extérieures, mais bien des natures combattives uniquement dominées par l’idée et par le devoir, qui veulent transmettre à l’humanité leurs propres impressions et faire partager leur enthousiasme à l’univers tout entier.

De nos jours, ce nouveau « pathos » lyrique tend à renaître. Longtemps les « rhéteurs » ont été comblés de ridicule. Rappelons-nous combien Schiller fut tourné par l’Allemagne en dérision et comme il fut mis au ban de la littérature avant qu’une renaissance esthétique, ces toutes dernières années, ne vînt revivifier son souvenir. Au contraire, rappelons-nous que, dans ces derniers temps, le seul écrivain qui sut acquérir en Allemagne une influence universelle, ne l’a pu faire qu’à la faveur du nouveau style oratoire