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Il monte — et l’on croirait que le monde l’attend,
Si large est la clameur des cœurs battant
À l’unisson de ses paroles souveraines.
Il est effroi, danger, affre, fureur et haine ;
Il est ordre, silence, amour et volonté ;
Il scelle en lui toutes les violences lyriques, [1]

Certes, le poème doit être différent qui s’adresse à la foule. Il faut qu’il soit avant tout une volonté, un but, une énergie, une évocation. Tout ce que, durant le temps de l’isolement, le poème a gagné en valeurs et en qualités techniques, douceur de la musique, nervosité du rythme, finesse et souplesse de la langue, tout cela doit cesser d’être une fin, mais uniquement s’appliquer à provoquer l’enthousiasme. Il ne s’agit plus d’un dialogue sentimental entre deux individus solitaires et inconnus l’un à l’autre, dans le décor d’un horizon quelconque, il ne s’agit plus de cette voix courte et un peu tremblante qui tombe et se dérobe avant que la flamme du verbe l’ait embrasée. Il faut que la poésie nouvelle soit forte et joyeuse, qu’elle ait une âme profonde et qu’elle soit capable de s’élancer à l’assaut dans une ruée soudaine. Elle n’est pas écrite pour un faible registre : elle emploie

  1. « Le Tribun » (les Forces tumultueuses).