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précaution ; il s’accélère ensuite, puis, de plus en plus sauvage, il arrive à la monotonie de l’enivrement, à une rapidité croissante où il trouve des sonorités éclatantes qui rappellent le roulement de fer d’un train rapide vertigineux. Comme une locomotive — car, avec Verhaeren, de telles images sont bien plus justes que les anciennes comparaisons avec Pégase — le poème prend un élan bruyant qu’active seulement un bruit analogue à celui que produisent les brèves explosions d’une automobile. En réalité, c’est ce rythme de locomotive, ce roulement ininterrompu, qui donne souvent aux vers de Verhaeren l’illusion de la vitesse des cadences. Le poète raconte lui-même qu’il lui est souvent arrivé d’écrire ses poèmes en chemin de fer : il y trouvait du plaisir, et ce rythme, bruyant et régulier, mettait de la fièvre dans ses vers. Il a merveilleusement décrit la volupté de la vitesse, lorsque, au passage d’un train mugissant, elle se répand dans ses artères. La houle du vent qui fait gémir les arbres, l’élan forcené de la mer qui brise son écume sur le rivage, l’écho multiplié du tonnerre dans la montagne, tous ces bruits formidables, ce sont les rythmes de ses poèmes. Et ces rythmes, qui s’accordent à toutes