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céléré de sa marche se retrouve dans son poème. On peut y reconnaître la course précipitée du sang dans les artères, et cette passion infatigable qui l’arrache sans cesse à la tranquillité. On sent qu’en lui l’impression est si forte qu’il cherche à s’en débarrasser et qu’il veut fuir son propre corps. La sensation à ce degré d’importance devient douloureuse ; elle l’accable, et tout le poème n’est rien autre chose que la révolte de son corps qui se raidit pour la délivrance. Semblable à la rébellion d’une foule qui soudain se livre à toute son excitation jusqu’ici refrénée et brise les entraves qui, depuis des siècles, asservissaient ses passions, le flot passionné du verbe, après un trop long silence, jaillit de la bouche du poète. Ces cris, ces « élans captifs dans le muscle et la chair[1] » sont une véritable délivrance corporelle, quelque chose comme l’apaisement après une convulsion, comme l’allégement qui vous vient à pouvoir respirer quand nul poids n’écrase plus votre poitrine. L’homme en proie à la passion ne peut s’en délivrer que par des gestes impétueux, des cris, des pleurs, par n’importe quelle action qui n’est pas le re-

  1. « Le Verbe » (la Multiple Splendeur).