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corps animé. La diversité des mouvements du rythme est en rapport direct avec la différence des temps de pause dans la respiration. Celle-ci diffère chez l’homme dans la tranquillité, dans l’agitation, dans la joie, dans l’angoisse, dans l’extase. Toute impression correspond à un rythme. Comme chaque personnalité poétique est représentative d’une des formes de la passion, il faut que chaque poète trouve son rythme particulier qui exprime sa particularité poétique, de même que la langue prend chez lui une accentuation et une forme dialectique, si je puis dire, individuelles. Pour comprendre le rythme de Verhaeren, il faut nous souvenir de la modalité fondamentale de sa première impression poétique, que nous comparerons avec celle de ses prédécesseurs. Victor Hugo nous donne le rythme grave, ailé et large de l’orateur, dont la prédication ne s’adresse jamais à l’individu mais à la nation tout entière. Chez Baudelaire, c’est le rythme, régulier à la façon d’un hymne, du prêtre de l’Art. Verlaine a la mélodie inégale et douce comme un murmure de l’homme qui parle dans un rêve. Chez Verhaeren, le rythme est celui de l’homme qui se presse, qui court, qui s’agite et qui se passionne. Il est souvent