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ciper lui-même, en quelque façon, à l’excitation d’une époque continuellement en éveil, dont les sens et les nerfs sont toujours inquiets. Il faut qu’inconsciemment le battement de son cœur soit réglé sur le rythme du monde qui l’entoure. Neurasthénique sans cesse en éveil, sa sensibilité maladive doit être en proie à l’attente et à l’inquiétude. Mais, en outre, il doit être capable de spontanéité, de cette force qui fait jaillir les grandes explosions. Nous le voulons pareil à ces masses urbaines chez lesquelles un rien peut susciter une violente passion. Comme elles, il doit se laisser entraîner par l’ivresse de sa propre force. Les foules populaires sont jusqu’à un certain point des organismes semblables à notre corps : il n’y a point en elles d’excitation individuelle ; aucune partie ne saurait s’allumer ni s’enflammer seule, mais chaque excitation particulière trouve sa réponse spontanée dans une réaction de l’ensemble. Il en va de même pour le poète. Son excitation poétique ne doit pas être limitée à un seul sens : pour avoir la puissance nécessaire, il faut qu’elle secoue le corps tout entier comme un courant électrique. Son rythme doit correspondre au rythme vital de son organisme. Ses ondes doivent étroitement enve-