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n’ont que du mépris pour la locomotive et le télégraphe, pour les banques et les usines, Verhaeren boit avidement à cette fontaine d’où ruisselle une énergie nouvelle.

Comme une vague en des fleuves perdue,
Comme une aile effacée, au fond de l’étendue,
Engouffre-toi,
Mon cœur, en ces foules battant les capitales !
Réunis tous ces courants
Et prends
Si large part à ces brusques métamorphoses
D’hommes et de choses,
Que tu sentes l’obscure et formidable loi
Qui les domine et les opprime
Soudainement, à coups d’éclairs, s’inscrire en toi.[1]

C’est que, en effet, la foule est, de nos jours, la grande transformatrice de valeurs. Elle transforme les hommes, qui, pour se réunir en son sein, se précipitent vers elle des quatre points cardinaux. Nul de nous n’échappe à cette force qui veut tout niveler. Dans le formidable réservoir qu’est la Ville, les races les plus éloignées se mélangent. Elles s’adaptent les unes aux autres, et voici qu’éclôt tout à coup un produit nouveau, différent : une race neuve, celle de l’homme contemporain, qui s’est réconcilié avec

  1. « La Foule » (les Visages de la Vie).