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combien semblent-elles piètres comparées aux agglomérations humaines de New-York, de Londres ou de Paris. Notre temps seul a connu cet Oppidomagne où la foule semble s’être soudée pour l’éternité, tenue qu’elle est par des rivets de fer, jointe comme les rayons d’une roue formidable. Maintenant seulement, cette masse se comporte comme un être vivant, maintenant elle croît et multiplie comme une forêt. Dans l’ordre spirituel, la démocratie l’a transformée encore : à ce corps elle a ajouté un cerveau, en obligeant la foule à ne se reposer que sur elle-même et à ne se soumettre qu’à elle-même. Jadis, la seule réalité dans un pays en était le souverain ; la foule, lointaine, invisible et éparpillée, ne représentait qu’une idéale abstraction. Aujourd’hui, dans les grandes villes, le peuple est une nouvelle hydre : c’est lui qui possède la vie et l’existence réelles, et, s’il se donne un souverain, celui-ci ne sera rien que la représentation populaire, qu’un symbole passager de son éternelle organisation.

Ceci est une création du dix-neuvième siècle, une valeur nouvelle dans notre état vital, avec quoi il faut compter, et qui, dans notre développement, n’a pas moins d’importance que toutes