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nous vivons dans les villes et notre pensée doit communier avec elles. Nous devons vivre selon le temps nouveau, faire comme lui œuvre de création et constituer un nouveau langage pour l’expression de son désir encore informulé. Le retour à la nature ne nous est plus possible. Une telle évolution n’est plus compréhensible. Si nous avons perdu d’importantes valeurs, les nouvelles sont là qui doivent les remplacer. Si notre sentiment religieux s’est affaibli, si morte est notre foi dans le dieu ancien, forgeons-nous un idéal nouveau. Ces fins inconnues des anciens, il nous les faut découvrir, trouver une beauté neuve dans les formes de la ville, un rythme dans son bruit, un ordre dans sa confusion. Il faut trouver la fin vers laquelle tend son énergie et constituer un langage avec son bégaiement. Certes les villes ont causé des ruines sans nombre ; mais peut-être créeront-elles plus encore qu’elles n’ont détruit. Elles sont comme des creusets où se fondent les métiers, les races, les religions, les nations et les idiomes :

… les Babels enfin réalisées
Et les peuples fondus et la cité commune
Et les langues se dissolvant en une.[1]

  1. « Le Port » (Les Villes tentaculaires)