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nuel effort. Nul reflet d’éternité ne descend sur elle, et durant tout le jour, dans son nuage de fumée, la ville halète, hostile, laide et grise. Pendant la nuit, au contraire, la rudesse des contours s’atténue ; grâce à elle tous les éléments épars se forgent en un tout. La ville nocturne n’est plus que séduction. La passion, enchaînée pendant le jour, brise ses entraves.

… Pourtant, lorsque les soirs
Sculptent le firmament, de leurs marteaux d’ébène,
La ville au loin s’étale et domine la plaine
Comme un nocturne et colossal espoir ;
Elle surgit : désir, splendeur, hantise ;
Sa clarté se projette en lueurs jusqu’aux cieux,
Son gaz myriadaire en buissons d’or s’attise,
Ses rails sont des chemins audacieux
Vers le bonheur fallacieux
Que la fortune et la force accompagnent ;
Ses murs se dessinent pareils à une armée
Et ce qui vient d’elle encor de brume et de fumée
Arrive en appels clairs vers les campagnes.[1]

C’est en visions grandioses que Verhaeren traduit ces éruptions flamboyantes. Ici, c’est la vision des music-halls. Des cercles de feu entourent une maison, des lettres criardes grimpent à l’assaut des façades, attirent la foule jusque

  1. « La Ville » (les Campagnes hallucinées).