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Malgré lui il se sent vis-à-vis d’elles dans une étroite dépendance. Ce magnifique accouplement d’énergies suscite en lui une pareille concentration de toutes les forces de son être. Elles lui communiquent leur fièvre. Avec une intensité que nul autre poète contemporain n’aura connue, il identifie à l’âme de la ville sa personnalité. Pourtant il en connaît les dangers ; il sait que par elles lui viendra l’inquiétude, qu’elles le surchaufferont, qu’elles l’exciteront et que, par leurs contrastes, elles le jetteront dans la confusion.

Voici la ville en or des rouges alchimies,
Où te fondre le cœur en un creuset nouveau
Et t’affoler d’un orage d’antinomies
Si fort qu’il foudroiera tes nerfs jusqu’au cerveau.[1]

Mais il sait que l’influence de la ville sur lui sera féconde, qu’il en retirera plus de force et plus de puissance. Atteindre quelque grandeur est impossible à celui qui passera sans s’arrêter devant elles, qui n’en éprouvera nulle sensation, qui se refusera à vivre, à croître à leurs côtés. Dès maintenant les hommes nouveaux et les hommes forts devront se tenir en perpétuel échange avec elles.

  1. « Les Villes » (les Flambeaux noirs).