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une vision magnifique, de ces mêmes efforts, il fait une œuvre poétique, en les haussant, par-dessus la politique et l’actuel, au rang des grands événements qui touchent à l’humanité tout entière. Dès lors sa vie intérieure se précise ; elle bat d’un rythme régulier dans la certitude. Par son mariage, il avait acquis une tranquillité personnelle, qui équilibrait son indompté besoin d’agitation. Il possède enfin des assises solides. Les farouches extases peuvent nettement s’objectiver, son regard peut suivre le tourbillon enflammé des nouvelles apparences. Les tableaux morbides, les hallucinations fiévreuses se changent maintenant en claires visions. Désormais, pour le poète, les horizons de notre époque s’éclairent non plus à la lueur subite de la foudre, mais au rayonnement d’une puissante lumière perpétuelle.

En entrant dans la vie, Verhaeren se pose un premier problème : il lui faut s’expliquer avec le monde qui l’entoure, avec l’individu, avec la cité. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas la ville au sens de patrie, mais la ville conforme à l’idéal moderne, la ville gigantesque, étrange et monstrueuse qui, comme un vampire, a tiré à soi toutes les forces du sol pour élaborer et concen-