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Partout où la vie manifestait une intensité, une expression, une énergie nouvelle, il l’a aimée jusqu’au paroxysme. C’est une marque très caractéristique de son tempérament que l’harmonieuse beauté des villes calmes et claires, rêveuses et comme ensommeillées, le séduise moins que les cités modernes, noires et de suie couvertes. Sa dilection se détourna presque intentionnellement de l’idéal traditionnel pour aller vers l’inconnu. Florence, symbole de poésie à travers les siècles, lui fut une désillusion : trop doux lui parut l’air italien, trop grêles les contours, trop rêveuses les rues. Au contraire, Londres l’émut comme une découverte, avec son agglomération, son amoncellement de maisons et de fabriques. Il admira cette ville qui semble coulée dans l’airain, ce labyrinthe de rues sales et grouillantes où bat infatigablement le cœur du commerce mondial, où la fumée des usines en travail menace d’obscurcir le ciel. Les villes industrielles n’avaient jusqu’ici inspiré aucun poète. Ce sont celles justement qui attirent Verhaeren, ces villes qui se créent à elles-mêmes avec leurs brouillards et leurs fumées la voûte de leur ciel aux teintes plombées, ces villes qui emprisonnent leurs habitants pendant