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machines sont l’expression de forces domptées et organisées ; les foules innombrables s’unissent pour une action commune. Alors tout paraît à Verhaeren plein de beauté. Il aime notre époque parce qu’elle ne disperse pas l’effort, mais qu’elle le condense, parce qu’elle ne s’éparpille pas, mais qu’elle se rassemble pour l’action. Et soudain tout s’anime sous son regard. Tout ce qui a de la volonté, tout ce qui se propose un but, homme, machine, foule, ville, capital ; tout ce qui vibre, travaille, martelle, voyage, tout ce qui porte en soi le feu, l’élan, l’électricité et le sentiment, tout cela sonne dans ses poèmes. Ses anciennes velléités morbides qui le glaçaient et le rendaient hostile sont vivifiées par cet influx de volonté et d’énergie. Tout vit sa minute ; dans cet engrenage multiple, pas de poussière ni d’ornement inutile ; la création est partout ; le sentiment de l’avenir dirige toute action. Voici que la ville, cet amoncellement babylonien de pierres et d’hommes, naît tout à coup à la vie ; c’est un être vivant, un vampire qui suce le sang vigoureux des campagnes. Les fabriques qui, jadis, n’étaient pour Verhaeren que de hideux ouvrages de maçonnerie, deviennent un centre de création pour mille choses qui elles-mêmes engendrent d’autres