Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

S’il est mélancolique, le monde, dans ses livres, perdra toute signification : les lumières s’éteignent et le rire meurt. Mais s’il est passionné, tous les sentiments bouillonnent comme dans une chaudière en plein feu, et cette ébullition jaillit en actions. Le monde réel est multiple ; il contient en lui, à l’état élémentaire, les principes et, pour ainsi dire, les élixirs de la volupté et de la douleur, de la confiance et du désespoir, de l’amour et de la haine. Au contraire, le monde, tel que le conçoivent les grands poètes, se résout à un sentiment unique. Verhaeren, revenu à sa force, considère toutes les choses du même point de vue, qui est celui de leur beauté nouvelle, selon ses propres sentiments, lesquels se réduisent à l’énergie, forme matérielle de l’enthousiasme. C’est elle, c’est l’énergie et la force, qu’il a toujours recherchées — et non pas l’harmonie — dans ses ardentes années comme dans son âge viril. Pour lui une chose est d’autant plus belle qu’elle contient de finalité, de volonté, de puissance, qu’elle contient d’énergie. L’univers tout entier, à l’heure actuelle, est comme surchauffé ; il est tendu vers un effort énergique ; les grandes villes ne sont que d’immenses centres d’énergie multipliée ; les