Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bridge, les vaisseaux de guerre, les hauts fourneaux en feu, les boulevards de Paris ont une beauté nouvelle qui fait pâlir celle des choses du passé. Toutes ces nouveautés prennent une valeur inattendue, d’une part par le but qu’elles poursuivent, d’autre part par la grandeur démocratique et par des dimensions formidables auxquelles seuls ont pu atteindre les ouvrages les plus considérables de l’antiquité. Mais, tôt ou tard, toute beauté doit être traduite en poésie. Entre les temps anciens et les nouveaux, Verhaeren a sûrement jeté l’un des premiers ponts. D’autres poètes viendront, célébreront les beautés nouvelles de ces choses nouvelles : villes énormes, machines, industrialisme, démocratie. Ils chanteront cet effort ardent vers une sublime nouveauté. Mais ils ne s’arrêteront pas à la découverte de la beauté ; ils formuleront les lois du nouvel ordre ; ils inventeront une autre morale, une autre religion, une autre synthèse correspondant à ce nouvel état de choses. La transvaluation poétique du beau n’est que le début de la transvaluation poétique du sentiment vital.

Mais, dans les choses, toujours chaque poète ne saura découvrir que son propre tempérament.