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moins le cacher — tout idéalisme, c’est le mensonge devant la nécessité — il faut aussi l’aimer[1]. » Cependant, de nos jours, quelques rares esprits ont aimé le nouveau. Ils en ont senti d’abord la nécessité ; puis ils en ont découvert la beauté. Il y a quelque cinquante ans, ce fut Carlyle qui prêchait déjà l’héroïsme de la vie quotidienne, qui conseillait aux poètes de ne pas chercher le sublime dans les vieilles chroniques, mais de le prendre plus près d’eux, dans les réalités. Constantin Meunier a conquis dans l’idée démocratique une plastique nouvelle. Whistler, Monet, dans l’atmosphère fumeuse des grandes villes, où se répand le souffle d’un siècle de machines, ont découvert une tonalité neuve qui n’est pas moins belle que l’éternel bleu d’Italie ou que le ciel alcyonien de la Grèce. Walt Whitman n’a acquis de force et de puissance qu’en accordant sa voix aux grandes agglomérations, aux formidables dimensions de la patrie nouvelle. Toute la difficulté que quelques-uns éprouvent encore à dégager la beauté des choses modernes vient de ce que notre siècle est une époque de transition. Les ma-

  1. Nietzsche, Ecce Homo (trad. Henri Albert).