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liser dans toutes les manifestations de la vie, dans toutes ses expressions : volonté, idée, forme. Le but que se propose sa poésie, c’est de s’expliquer non seulement avec lui-même, mais encore avec le monde entier.

Jusqu’à lui, les réalités — surtout celles qui sont les nôtres — étaient tenues à l’écart par les poètes lyriques. C’était un lieu commun universellement répandu que de parler des dangers que font courir à l’art l’industrialisme et la démocratie. Le machinisme, qui caractérise notre siècle, ne serait bon qu’à rendre la vie uniforme, qu’à épuiser l’idéalisme, qu’à éteindre la poésie en la noyant dans les réalités. Pour la plupart des poètes, les créations nouvelles de l’humanité : machines, chemins de fer, cités gigantesques, télégraphe, téléphone, toutes ces conquêtes matérielles, tous ces résultats pratiques ont arrêté l’essor de la poésie. Ruskin en fait une sorte de prédication, réclamant la destruction des fabriques, la suppression de leurs hautes cheminées. Pour élaborer l’idéal moral et esthétique de l’avenir, Tolstoï propose l’exemple de l’homme primitif qui satisfait à tous ses besoins sans recourir à la collectivité. Dans les poèmes, le passé s’était, peu à peu, identifié