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Maître de soi, il a jeté
Révoltes, deuils, violences, colères
Pour leur donner la trempe et la clarté
Du fer et de l’éclair.[1]

Dans l’œuvre d’art, il objective sa personnalité. Des blocs de fer, dont le poids l’écrasait, il forge maintenant les monuments et les statues de la Douleur. Tous ses sentiments de jadis, nébuleux et confus, sans forme et sans consistance ainsi que des songes, ne pèsent plus sur lui comme des cauchemars : ce sont maintenant de claires statues, où se symbolisent comme dans la pierre les expériences de l’âme. Son angoisse, cette angoisse brûlante, plaintive, effroyable, le poète l’a arrachée de lui et l’a toute versée dans le sonneur qui brûle sur la tour en flammes. La monotonie de ses jours s’est faite musique dans le poème de la pluie ; son combat insensé contre les éléments, qui, cependant, sont parvenus à briser sa force, il l’a représenté par ce passeur d’eau qui lutte contre le courant, tandis que ses rames se rompent une à une. Cette analyse cruelle de sa propre douleur, il l’a enfermée dans le thème du pêcheur qui, dans son

  1. « Le Forgeron » (les Villages illusoires).