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tion, et suscitait au plus profond de sa poitrine d’effroyables images. Seule une aération pouvait dissiper tout cela et empêcher le suicide de se produire ainsi qu’une explosion.

Pour mettre en fuite ces idées de destruction, il n’y avait que deux moyens : se réfugier dans le passé, ou fuir vers un monde nouveau. En de semblables catastrophes, certains, comme Verlaine, alors que tout édifice de leur vie s’effondrait, dans la crainte de rester seuls sous la menace du ciel, ont trouvé asile dans les cathédrales du catholicisme. Mais Verhaeren, pour croyant et enthousiaste qu’il fût, redoutait le passé bien plus que l’inconnu : Il ne se délivra de son trop lourd fardeau que par une véritable fuite dans le monde. Lui qui naguère ne considérait, dans son orgueil, tout le passé du monde que dans son rapport avec sa propre personnalité, qui voulait trancher à lui seul l’éternel conflit par où la vie engage une lutte immortelle pour être ou n’être pas, voici qu’il se précipite au milieu des choses et qu’il se renferme dans leur existence. Il s’objective maintenant, lui qui jadis se bornait à une sensibilité subjective ; lui qui autrefois fermait sa porte à la réalité, il laisse maintenant ses artères battre à l’unisson de la