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DON JUAN (à genoux)

Dona Inès ! Ombre chérie, âme de mon cœur, ne m’enlève pas la raison, s’il faut que tu me laisses la vie ! Si tu es une image vaine, fille de ma seule folie, n’augmente pas mon infortune en trompant ma folle angoisse.

L’OMBRE

Je suis Doña Inès, Don Juan, — qui t’a entendu dans sa sépulture.

DON JUAN

Tu vis donc ?

L’OMBRE

Pour toi ! Mais je fais mon purgatoire sous ce marbre funéraire, pour moi élevé. J’ai offert à Dieu mon âme pour prix de ton âme impure, et Dieu, voyant avec quelle tendresse t’aimait mon angoisse, m’a répondu : « Attends Don Juan — dans ta propre sépulture.

Et puisque tu veux rester si fidèle à un amour inspiré de Satan, avec Don Juan tu te sauveras, ou tu te perdras avec lui. Pour lui, veille ici ; mais s’il méprise, cruel, ta tendresse, et poursuit, en sa sauvage ardeur, sa voie de honte et de folie, Don Juan arrachera ton âme — à ta propre sépulture. »

DON JUAN (comme fasciné)

Je suis peut-être le jouet d’un délire, avec ces fantômes d’un Éden !