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Et ces deux perles liquides qui se détachent doucement de tes radieuses prunelles, me conviant à les boire pour ne les pas voir s’évaporer dans leur propre chaleur ; et ces vives couleurs qui n’habitaient pas ton visage, n’est-il pas vrai, ma beauté, qu’elles respirent l’amour ?

Oh ! oui, très gracieuse Inès, miroir et lumière de mes yeux ; m’écouter sans colère comme tu le fais, c’est de l’amour. Regarde donc ici, à tes pieds, toute l’orgueilleuse dureté de ce traître cœur, qui ne croyait pas se rendre ; regarde, car il adore, ô ma vie, l’esclavage de ton amour.

DOÑA INÈS

Silence, pour Dieu, oh ! silence, Don Juan ; car je ne pourrai résister longtemps, sans mourir, à une angoisse si nouvelle pour moi. Ah ! Taisez-vous, par pitié ; car, en vous entendant, il me semble que mon cerveau se trouble et que mon cœur s’embrase. Ah ! Vous m’avez donné à boire un philtre infernal, sans doute, qui vous aide à soumettre la vertu de la femme. Peut-être, possédez-vous, Don Juan, une amulette mystérieuse, qui m’attire à vous secrètement comme un irrésistible aimant. Peut-être Satan a-t-il placé en vous son regard fascinateur, sa parole séductrice, et l’amour qu’il refuse à Dieu. Et que faut-il que je fasse, pauvre de moi ! sinon tomber en vos bras, puisque vous me ravissez ainsi le cœur, morceau par morceau ? Non ! Don Juan ; il