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des villes industrielles ! Toute une floraison intellectuelle en sortait, toute une génération neuve, capable de pensée et d’action, apportant et renouvelant la sève depuis si longtemps tarie chez les anciennes classes dirigeantes, épuisées par l’abus du pouvoir. Des génies sortaient journellement de cette fertile terre populaire enfin défrichée, une grande époque allait naître, comme une renaissance d’humanité. Cette instruction intégrale, si longtemps refusée par la bourgeoisie maîtresse, parce qu’elle la sentait destructive de l’ancien ordre social, était en effet en train de le détruire, mais pour mettre à sa place le plus sage et le plus magnifique épanouissement de toutes les forces intellectuelles et morales qui doivent faire de la France la libératrice, l’émancipatrice du monde.

Ainsi disparaissait cette France coupée en deux, où il y avait deux classes, deux races ennemies, en continuelle guerre, élevées dans deux planètes différentes, comme si elles ne devaient jamais se rencontrer et s’entendre. Les instituteurs eux-mêmes n’étaient plus parqués en deux groupes presque hostiles, les uns humiliés, les autres méprisants, d’un côté les pauvres instituteurs primaires, peu éduqués, à peine décrottés souvent du champ natal, et de l’autre côté les professeurs de lycées et d’écoles spéciales reluisants de science et de littérature. Désormais, on donnait aux élèves des écoles primaires les mêmes maîtres qui plus tard les suivraient à tous les degrés de l’enseignement. On estimait qu’il fallait autant d’intelligence, autant de bonne éducation pour éveiller l’esprit de l’enfant, lui donner la méthode presque pour l’y maintenir et l’y développer plus tard. Des roulements étaient établis, le personnel se répartissait à l’aise, facilement recruté et d’un dévouement parfait, depuis que la profession était devenue une des premières de la nation, bien rétribuée, honorée, glorifiée. La nation avait compris la nécessité