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être les ouvriers de plus en plus énergiques et conscients. Il avait donc, autrefois, la vision nette du moment, lorsqu’il disait, à propos de l’affaire Simon, que si la France ne protestait pas, ne se levait pas tout entière, c’était qu’elle était engagée encore dans trop d’ignorance, abêtie, empoisonnée par l’imbécillité religieuse, entretenue dans ses superstitions enfantines par des journaux de lucre et de chantage. De même, il avait eu la nette intuition du remède unique, l’instruction libératrice, tuant le mensonge, détruisant l’erreur, balayant les dogmes ineptes de l’Église, avec son enfer, son paradis, sa doctrine de mort sociale, faisant des citoyens solidaires, ayant la bravoure intelligente de la vie. Et il avait voulu cela, c’était son œuvre qui s’accomplissait, la délivrance d’un peuple par l’école primaire, tous les citoyens tirés de l’iniquité où ils croupissaient, en stupide troupeau, devenus enfin capables de vérité et de justice.

Mais, surtout, dans l’esprit de Marc, un grand apaisement se faisait. Il ne lui montait plus du cœur que beaucoup de pardon, de tolérance et de bonté. Jadis, il avait grandement souffert, il s’était souvent emporté contre les hommes, en les voyant si têtus dans le mal, si stupidement cruels. Maintenant, les paroles de Fernand Bongard, celles aussi d’Achille Savin, ne lui sortaient plus de la mémoire. Ils avaient sans doute toléré l’injustice ; mais, comme ils le disaient à cette heure, c’était qu’ils ne savaient pas, qu’ils ne s’étaient pas senti la force de la combattre. On ne pouvait faire un crime de leur intelligence endormie encore aux déshérités de l’ignorance. Et il leur pardonnait bien volontiers à tous, il n’avait même plus de rancune contre les obstinés dont la raison refusait de s’ouvrir, il aurait voulu que la fête projetée, pour le retour de Simon, fût une vaste réconciliation, un baiser général où Maillebois entier redevint fraternel, travaillant désormais au seul bonheur de tous.