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pour tâcher de réunir des renseignements favorables à son ami ! Il revoyait le paysan gros et borné, la paysanne osseuse et méfiante, s’entêtant à ne rien dire dans la crainte de se compromettre, toute la masse inerte, encore près de la terre, la matière brute enfoncée sous une épaisse couche d’ignorance. Et il se rappelait qu’il n’avait rien pu tirer de ces pauvres êtres, incapables de justice, parce qu’ils ne savaient rien et qu’ils ne voulaient rien savoir.

Adrien l’attendait sous un antique pommier, dont les fortes branches, chargées de fruits, abritaient une table et des sièges de jardin.

— Ah ! mon maître, quel honneur vous me faites, de venir vous asseoir un instant ici ! Et il faut que vous embrassiez ma petite Georgette, ça lui portera bonheur.

Sa femme Claire était là, à peine dans sa vingt-quatrième année, une blonde souriante, au visage limpide, aux yeux d’intelligence et de bonté. Ce fut elle qui amena près de Marc la fillette délicieuse, blonde comme elle, très futée déjà pour ses cinq ans.

— Mon trésor, tu te souviendras que monsieur Froment t’a embrassée et que tu en seras glorieuse toute ta vie.

— Oh ! je sais, maman, je vous entends bien en causer des fois. C’est comme si un peu de soleil descendait me voir.

Et tous riaient tendrement, lorsque le père et la mère de Claire, Fernand Bongard et sa femme Lucile Doloir, parurent, ayant appris que l’ancien instituteur de Maillebois était là et voulant se montrer polis à son égard. Bien que l’élève Fernand ne lui eût pas donné beaucoup de satisfaction jadis, tant il avoir la tête dure, Marc fut heureux de le retrouver, dans cet homme qui touchait à la cinquantaine, l’air épais toujours, avec des gestes inquiets d’être mal éveillé.