À Maillebois, le lendemain de l’acquittement de Simon, il y eut un réveil d’émotion extraordinaire. Ce n’était point de la surprise, car les gens étaient nombreux maintenant qui avaient la conviction de son innocence. Mais le fait matériel n’en bouleversait pas moins tout le monde, cette réhabilitation légale, définitive. Et la même pensée venait aux esprits les plus divers, on s’abordait, on se disait :
— Eh quoi ! n’est-il pas une réparation possible pour le malheureux qui a tant souffert ? Sans doute, rien, ni argent, ni honneurs, ne sauraient payer un si atroce martyre. Pourtant, quand toute une population a commis une erreur à ce point abominable, quand elle a fait d’un homme cette pauvre chose de douleur et de pitié, il serait bon qu’elle reconnût sa faute et qu’elle décernât le triomphe à cet homme, dans un grand acte de loyauté, pour affirmer le règne futur de la vérité et de la justice.
Dès lors, cette idée d’une réparation nécessaire fit son chemin, gagna peu à peu le pays entier. On sut une histoire qui acheva de toucher les cœurs. Pendant que la Cour de cassation examinait le dossier de la communication illégale faite aux jurés de Rozan, le vieux Lehmann, l’ancien petit tailleur, très âgé, dans sa quatre-vingt-dixième année, était à l’agonie, au fond de cette misérable maison de la rue du Trou, attristée si longtemps par