Page:Zola - Vérité.djvu/639

Cette page n’a pas encore été corrigée

fonder sa fameuse Église de France, libérale, rationaliste, laquelle n’aurait guère été qu’une secte nouvelle du protestantisme. C’étaient ces évêques sans foi solide, lettrés, en proie au libre examen, dont les mains débiles, désarmées du tonnerre, laissaient la foule des incrédules déserter les autels, au lieu de les frapper sans merci de l’éternelle terreur de l’enfer. Mais, surtout, il gardait sa haine la plus farouche contre l’abbé Quandieu, encore vivant à quatre-vingts ans passés. Celui-ci, cet ancien curé de Saint-Martin, à Maillebois, restait pour lui le parjure, l’apostat, le mauvais prêtre qui avait craché sur sa religion, en se mettant ouvertement avec les ennemis de Dieu, au moment de l’affaire Simon. On l’avait bien vu plus tard, quand il avait abandonné le sacerdoce, pour se retirer dans une petite maison fleurie, au fond d’un quartier désert. Il se disait écœuré par la basse superstition des derniers fidèles, il poussait l’audace jusqu’à prétendre que les moines, les vendeurs du Temple, comme il les nommait, étaient les démolisseurs inconscients qui hâtaient l’effondrement de l’Église. Le démolisseur, c’était lui, dont la désertion servait d’argument aux adversaires du catholicisme, abominable exemple d’un homme reniant sa vie entière, rompant ses vœux, préférant au martyre une vieillesse grasse et honteuse. Et, quant à l’abbé Coquard, son successeur à la cure de Saint-Martin, ce grand sec, d’aspect si grave, si sévère, il n’y avait en lui derrière ce masque excellent, que la pauvre étoffe d’un imbécile.

Jusque-là, Marc avait écouté silencieux, décidé à ne pas interrompre. Mais l’attaque violente contre l’abbé Quandieu le révolta.

— Vous ne connaissez pas ce prêtre, dit-il simplement, vous en parlez en ennemi aveuglé par la rancune… Il a été le seul prêtre de ce pays qui ait compris, dès le premier jour, l’effroyable tort que l’Église allait se faire, en