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de sa mère et surtout de sa tante, il y avait là un nouvel indice des temps nouveaux. Puis, lorsque ce mariage fut retardé de quelques mois pour le faire coïncider avec un autre, celui de Louise et de Joseph, Maillebois finit par s’enfiévrer un peu ; car cette fois, il s’agissait du fils du condamné et de la fille de son plus héroïque défenseur, le fils devenu adjoint dans l’école où le père avait été frappé, la fille, adjointe elle aussi chez Mlle Mazeline, son ancienne institutrice ; et, circonstance aggravante, on se demandait comment Mme Duparque, l’aïeule de Louise, allait accueillir une pareille union. L’idylle des deux fiancés, leur voisinage classe à classe, leurs rencontres rieuses chaque dimanche, dans la pauvre école de Jonville, tout ce qui allait se confondre en eux des anciennes luttes douloureuses et des anciens héroïsmes, touchèrent bientôt les cœurs, firent même parmi la population un peu plus de paix. Mais la curiosité resta de savoir si Louise serait reçue par sa grand-mère, qui depuis trois ans ne sortait plus de sa petite maison de la place des Capucins. Et, pendant un mois encore, les mariages furent retardés, dans l’attente de ce que déciderait Mme Duparque.

Louise, à vingt ans, n’avait pas encore fait sa première communion, et il était convenu que les deux couples ne se marieraient pas à l’église. Elle écrivit vainement à Mme Duparque, elle la supplia de lui ouvrir sa porte, sans même recevoir de réponse. Jamais cette porte ne s’était rouverte devant Geneviève et ses enfants, depuis le jour où ils étaient partis pour retourner au mari, au père. Il y avait près de cinq ans que la grand-mère tenait son farouche serment de n’avoir plus de famille, de vivre à l’écart, cloîtrée, seule avec son Dieu. Geneviève avait bien fait quelques tentatives de rapprochement, émue par l’idée de cette femme de quatre-vingts ans passés, menant cette vie d’ombre et de silence. Elle s’était