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passif d’erreur et de domination ; la fille, restée pratiquante, conquise toujours, mais troublée, torturée d’avoir connu le bonheur humain ; la petite-fille en lutte, pauvre cœur, pauvre raison où le catholicisme livrait son dernier combat, déchirée entre le néant menteur de son éducation mystique et la réalité vivante de son amour d’épouse, de sa tendresse de mère, ayant besoin de toutes les forces de son être pour se libérer ; l’arrière-petite-fille, libérée enfin, échappée à la mainmise du prêtre sur la femme et sur l’enfant, revenue à l’heureuse nature, à la glorieuse bienfaisance du soleil, dans un cri de jeunesse et de santé.

Mme Berthereau reprit de sa voix basse et lente :

— Écoute, ma Geneviève, ne reste pas ici davantage. Dès que je ne serai plus, va-t-en, va-t-en bien vite… Mon malheur, à moi, a commencé le jour où j’ai perdu ton père. Il m’adorait, les seules heures où j’ai vécu sont celles que j’ai passées près de lui, entre ses bras. Et je me suis souvent reprochée de ne pas les avoir goûtées plus profondément, car j’ignorais leur prix, dans ma stupide erreur, et je ne les ai senties si délicieuses, si uniques, que lorsque je suis retombée ici, veuve, sans amour, retranchée du monde… Ah ! le froid de glace de cette maison dont j’ai tant frissonné, le silence et l’ombre où je suis morte heure par heure sans même oser ouvrir une fenêtre pour respirer un peu de vie, tant j’étais imbécile et lâche !

Debout, immobile, Mme Duparque n’intervenait pas. Ce cri de douloureuse révolte lui arracha pourtant un geste de protestation.

— Ma fille, je ne t’empêcherai pas de parler, quoique le mieux serait, si tu as une confession à faire, d’appeler le père Théodose… Mais, puisque tu n’étais pas toute à Dieu, pourquoi es-tu venue te réfugier chez moi ? Tu savais bien que tu y trouverais Dieu seul.