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— Mère, je t’en prie, ne songe pas à moi. Je n’aurai qu’une douleur, celle de te perdre.

— Non, non, ma fille, chacun s’en va à son tour, satisfait ou désespéré, selon la vie qu’il a su se faire. Mais il ne faut pas que ceux qui restent, s’entêtent à souffrir inutilement, quand ils peuvent encore être heureux.

Et, joignant les mains, les élevant dans un geste d’ardente prière :

— Oh ! ma fille, je t’en supplie, ne reste pas un jour de plus dans cette maison. Hâte-toi, prends tes enfants et retourne près de ton mari.

Geneviève n’eut pas même le temps de répondre. Une grande ombre noire s’était dressée, Mme Duparque venait d’entrer sans bruit. Rôdant toujours par la maison, elle se tourmentait dès qu’elle ne savait plus où étaient Geneviève et Louise, hantée par le continuel soupçon du péché. Si elles se cachaient, était-ce donc qu’elles faisaient le mal ? Et, surtout, elle n’aimait pas les savoir trop longtemps ensemble près de Mme Berthereau, dans la crainte de tout ce qui pouvait se dire là de défendu. Elle était donc montée en étouffant ses pas ; et, l’oreille tendue, ayant surpris certains mots, elle avait ouvert la porte doucement, pour constater le flagrant délit.

— Que dis-tu là, ma fille ? demanda-t-elle impérieusement, de sa voix sèche, outrée de colère.

Cette brusque intervention fit pâlir la malade, déjà si pâle, tandis que Geneviève et Louise restaient saisies, très inquiètes de ce qui allait se passer.

— Que dis-tu là, ma fille ? Ne sais-tu pas que Dieu t’entend ?

Mme Berthereau s’était renversée sur ses oreillers, en fermant les yeux, comme pour reprendre courage. Elle espérait tant parler à Geneviève seule, ne pas livrer combat à la redoutable aïeule ! Toute sa vie, elle avait évité