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recommença. Louise venait d’avoir treize ans, tout le Maillebois dévot s’indignait de cette grande fille qui restait sans religion, refusant de se confesser, n’allant même plus à la messe. Depuis le départ de sa mère surtout, on disait qu’elle vivait comme les bêtes ; et, naturellement, on parlait d’elle avec une grande pitié, ainsi que d’une victime, car on la représentait écrasée sous l’autorité brutale de son père, qui, matin et soir, en façon de prière sacrilège, la faisait cracher sur le crucifix. Mlle Mazeline, aussi, lui donnait sûrement des leçons de diaboliques débauches. N’était-ce pas un crime de laisser cette pauvre âme en perdition, aux mains de ce couple de damnés, dont l’inconduite notoire révoltait toutes les consciences ? On parlait d’agir, d’organiser des manifestations, pour forcer le père dénaturé à rendre sa fille à la mère, cette sainte femme qu’il avait forcée à fuir, tant il la révoltait par la répugnante bassesse de sa vie.

Marc, qui s’accoutumait aux outrages, s’inquiéta seulement des scènes violentes que Louise devait subir, à chacune de ses visites chez ces dames. Sa mère, toujours souffrante, très lente à se remettre de ses couches, se contentait de se montrer froide, d’une tristesse muette, laissant Mme Duparque, la terrible aïeule, gronder au nom du Dieu de colère, attiser les flammes infernales sous les chaudières de Satan. Une grande fille, entrée dans sa quatorzième année, n’avait donc pas honte de vivre en sauvage, comme les chiens qui ne savent rien de Jésus et qu’on chasse des églises ? Ne tremblait-elle pas, à l’idée du châtiment éternel dont elle serait punie, l’huile bouillante, les fourches de fer, les crocs rougis au feu, toute sa chair de maudite bouillie, rôtie, déchirée, pendant des milliards et des milliards de siècles ? Et, quand Louise lui revenait le soir, quand elle lui parlait de ces menaces, Marc frémissait de ces tentatives de