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Mazeline, qui, sous les regards curieux des écolières, s’efforçait de la traiter comme ses autres élèves, sans préférence. L’enfant ne s’attardait plus, rentrait vite faire ses devoirs près de son père. Et, s’il arrivait que l’instituteur et l’institutrice se rencontrassent, ils échangeaient un simple salut, ils évitaient de s’adresser la parole, en dehors des nécessités absolues de leurs fonctions. Dans Maillebois, cette attitude fut très remarquée, très commentée. Les gens raisonnables leur surent gré de couper court ainsi aux vilains bruits mis en circulation. Seulement, les autres ricanaient, triomphaient : c’était très bien de sauver les apparences, mais ça n’empêchait pas les deux amoureux de se retrouver la nuit, et la fillette devait continuer à en entendre de propres, si elle avait le sommeil léger. Lorsque Marc connut par Mignot ces nouvelles infamies, il tomba en une grande amertume. Il y avait des heures où son courage faiblissait : à quoi bon désoler sa vie, renoncer à tous les bonheurs, si nul sacrifice ne doit compter pour les méchants ? Jamais, sa solitude ne lui avait paru si empoisonnée, si lourde. Dès que, la nuit venue, il se retrouvait seul avec Louise, dans le logis froid et désert, il se sentait envahi d’une invincible désespérance, à l’idée que, s’il perdait un jour cette enfant, il n’aurait plus personne pour l’aimer et lui tenir chaud au cœur.

La fillette allumait la lampe se mettait à sa petite table d’écolière.

— Papa, je vais rédiger ma leçon d’histoire, avant de me coucher.

— C’est ça, ma chérie, travaille.

Lui, sous le grand silence de la maison vide, était pris d’une angoisse. Il ne pouvait continuer à corriger les copies de ses élèves, il se levait, marchait d’un bout à l’autre de la pièce, d’un pas alourdi. Longtemps, il piétinait de la sorte, comme enfoncé dans l’ombre, hors du cercle étroit