Page:Zola - Vérité.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

propre enfant ! Qu’un père de famille obscur, pour avoir la paix, s’accommodât d’une femme dévote, s’obstinant à hébéter sa fille dans de basses et dangereuses pratiques, cela s’excusait encore. Mais lui ! lui qui avait enlevé le crucifix de sa classe, qui s’en tenait au strict enseignement laïque, qui professait hautement la nécessité d’arracher la femme à l’Église, si l’on voulait bâtir enfin la Cité heureuse ! Ne serait-ce pas le pire aveu d’impuissance, la pire des défaites ? Toute sa mission en serait comme niée, contredite, anéantie. Il perdrait toute puissance, il n’aurait plus l’autorité de demander aux autres, ce qu’il était incapable de réaliser lui-même à son foyer, où sa raison et son cœur devaient vaincre d’abord. Puis, quelle éducation d’hypocrisie, d’égoïste faiblesse, pour sa fille, au courant de ses idées, de ses croyances, le sachant contraire à la confession, à la communion, et se demandant alors pourquoi il laissait accomplir chez lui des actes qu’il condamnait absolument chez le voisin ! Il pensait donc d’une façon et il agissait d’une autre ? Non, non ! la tolérance lui était impossible, il ne pouvait céder de nouveau, sans que son œuvre de délivrance croulât sous le mépris universel.

Et Marc se remit à marcher sous le ciel pâlissant, où s’allumaient les premières étoiles. Un des triomphes de l’Église était de voir que les parents libres penseurs n’osaient lui reprendre leurs enfants, dans la peur du scandale, liés par les habitudes mondaines. Qui donc commencerait, sans craindre de ne pas établir son fils, de ne pas marier sa fille, s’ils ne passaient point par les sacrements, même réduits à de simples formalités ? Il faudrait certainement attendre longtemps encore, le temps indéterminé que la science mettra à détruire le dogme, à ruiner dans l’usage ce qu’elle a ruiné déjà dans la raison. Mais les esprits braves devaient commencer à donner l’exemple, et Marc était surtout frappé de l’effort