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Jésus qu’elle choisissait si délicieusement pour fiancé, et qui était resté son seul, son unique époux, l’amour divin dont elle jurait, à cette heure, de ne plus goûter que les délices. Sa fille allait donc être privée d’une telle félicité, comme déchue, tombée au rang des bêtes qui n’ont pas de religion ? Et elle profitait des moindres occasions pour arracher un consentement à son mari, changeant le foyer domestique en un terrain de combat, où les plus futiles circonstances donnaient naissance à des querelles sans fin.

La nuit lente tombait, pleine d’apaisement, et Marc, dans une heure de grande lassitude, s’étonnait de résister de la sorte, avec un courage si cruel pour eux trois. Toute son ancienne tolérance lui revenait, il avait bien laissé baptiser sa fille, ne pouvait-il lui laisser faire sa première communion ? Les raisons que lui donnait sa femme, ces raisons devant lesquelles il s’était longtemps incliné, n’étaient pas sans force : le respect de la liberté individuelle, les droits de la mère, les droits de la conscience. Au foyer, la mère était forcément l’éducatrice, l’initiatrice, surtout lorsqu’il s’agissait des filles. Et ne tenir aucun compte de ses idées, agir contre son esprit et son cœur, c’était vouloir la rupture même du ménage. Plus rien ne restait du lien nécessaire, le bonheur était détruit, les parents et l’enfant tombaient à cette affreuse guerre intime, dont sa pauvre maison, si unie et si douce autrefois, souffrait maintenant. Et il marchait toujours, par les allées étroites du petit jardin, envahi d’ombre, en se demandant de quelle façon il pourrait bien céder encore, pour avoir un peu de paix et de bonheur.

Mais, surtout, un remords l’angoissait, n’était-il pas coupable de ce grand malheur ? Déjà, sa part de responsabilité lui était apparue, il s’était parfois demandé pourquoi, dès le lendemain du mariage, il n’avait pas tenté de conquérir Geneviève à ses croyances. Alors, dans la