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elle plut beaucoup par sa gaieté sereine, par la façon maternelle dont elle sut gagner l’affection de ses élèves, dès le premier jour. Elle était admirable de douceur et de zèle, travaillant surtout à faire de ses filles, comme elle les nommait, de braves femmes, des épouses et des mères, libres et enfantant des hommes libres. Mais elle ne conduisait plus les fillettes à la messe, elle avait supprimé les processions, les prières, le catéchisme, de sorte que Geneviève, qui la connaissait bien, depuis leur voisinage à l’école de Jonville, s’irritait, protestait, avec les quelques parents faisant partie de la faction cléricale. Tout en n’ayant pas eu à se louer de Mlle Rouzaire, dont les sourdes intrigues avaient troublé la paix de son ménage, elle semblait maintenant la regretter, elle parlait de la nouvelle institutrice comme d’une femme suspecte, capable des plus noirs desseins.

— Entends-tu, Louise, si Mlle Mazeline vous tenait des discours inconvenants, tu me le dirais. Je ne veux pas qu’on me vole l’âme de ma fille.

Impatienté, Marc ne pouvait s’empêcher d’intervenir.

— Voyons, c’est fou, Mlle Mazeline volant les âmes ! Tu l’admirais comme moi, il n’est pas de raison plus haute, ni de cœur plus tendre.

— Oh ! naturellement, mon ami, tu la soutiens. Vous êtes bien faits pour vous entendre. Va donc la retrouver, donne-lui notre fille, puisque moi je ne compte plus.

Et, une fois encore, Geneviève courait sangloter dans sa chambre, où la petite Louise devait aller pleurer avec elle, la supplier pendant des heures, avant de la décider à se remettre aux soins de son ménage.

Brusquement, une incroyable nouvelle circula, souleva une émotion considérable. L’avocat Delbos s’était rendu à Paris, avait agi dans les ministères, en promenant le fameux modèle d’écriture, remis par Mme Alexandre Milhomme ; et, on ne savait grâce à quelle haute influence,