quelque frasque trop rude : tout le monde ne péchait-il pas ? tout le monde n’avait-il pas besoin de pardon ? Il les amusait, il les terrorisait aussi, trouvait grâce auprès d’eux, tant son remords paraissait énorme et sincère, jusqu’à se condamner à huit jours de jeûne et à porter sur le bas-ventre des cilices garnis de clous. Et c’était pour ces raisons que ses supérieurs l’avaient toujours bien noté, reconnaissant en lui le véritable esprit religieux, les vices déchaînés du moine se rachetant sous le fouet vengeur de la pénitence.
Dans ses premières confidences aux rédacteurs du Petit Beaumontais, le frère Gorgias eut donc le tort de trop parler. Sans doute, ses supérieurs ne lui avaient point encore imposé leur version, et il était trop intelligent pour ne pas en sentir la parfaite absurdité. Désormais, devant le nouveau modèle découvert, avec son paraphe, il lui semblait inepte de nier que ce paraphe était de son écriture. Tous les experts du monde n’empêcheraient pas l’aveuglante clarté de se faire sur ce point. Et il avait donc laissé percer sa version à lui, plus raisonnable, avouant une partie de la vérité, sa halte d’un instant devant la fenêtre de Zéphirin, sa causerie amicale avec le petit infirme, qu’il avait même grondé, en apercevant sur sa table le modèle d’écriture, emporté de l’école sans permission ; puis, le mensonge reprenait, lui s’en allait, l’enfant fermait la fenêtre, Simon venait commettre l’immonde crime, se servait du modèle grâce à une brusque inspiration de Satan, rouvrait la fenêtre, afin de faire croire que le meurtrier s’était échappé par là. Mais cette version, indiquée le premier jour dans le journal, comme sortant d’une source sûre, fut énergiquement démentie le lendemain, et par le frère Gorgias en personne, qui prit la peine de protester lui-même aux bureaux de la rédaction. Sur l’Évangile, il y jura qu’il était rentré directement, le soir du crime, et que le paraphe