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et pures. Et on la sentait toute d’amour, un peu indolente, enfermée dans son ménage avec son mari et ses enfants, comme la femme orientale en son étroit jardin secret. Simon repoussait la porte, lorsque les deux enfants, Joseph et Sarah, quatre et deux ans, forts et superbes, firent invasion, malgré la défense qu’on leur avait faite de descendre ; et ils vinrent se réfugier dans les jupes de la mère, où les magistrats, d’un geste, dirent qu’on les laissât.

La Bissonnière, galant, touché par tant de beauté, prit une voix de flûte pour poser quelques questions.

— Madame, il était minuit moins vingt, lorsque votre mari est rentré ?

— Oui, monsieur, il a regardé la pendule, et il était couché, nous causions encore, à demi-voix, la lumière éteinte, pour ne pas réveiller les enfants, lorsque minuit a sonné.

— Mais vous, madame, avant l’arrivée de votre mari, de dix heures et demie à onze heures et demie, n’avez-vous rien entendu, des pas, des voix, des bruits de lutte, des cris étouffés ?

— Non, monsieur, absolument rien. Je dormais, c’est mon mari qui m’a réveillée en entrant dans la chambre… Il m’avait laissée assez souffrante et il était si heureux de me trouver remise, il riait et jouait si gaiement en m’embrassant, que je l’ai fait se tenir tranquille, par crainte de déranger le monde, tant le silence était grand autour de nous… Ah ! qui nous aurait dit qu’un si effroyable malheur s’était abattu sur la maison !

Elle était bouleversée, des larmes ruisselèrent le long de ses joues, tandis qu’elle se tournait vers son mari, comme pour mettre en lui sa consolation et sa force. Et lui, pleurant aussi de la voir pleurer, oubliant où il était, la saisit passionnément entre ses bras, l’embrassa dans un élan de tendresse infinie. Les deux enfants