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Tenez, tenez ! monsieur Froment, le voici ! débarrassez-moi de ce papier abominable, c’est lui qui attire le malheur et la mort dans la maison !

Elle courut à une armoire, elle prit sous un paquet de linge un ancien cahier d’écriture à Victor, dans lequel se trouvait le modèle, qui dormait là depuis huit ans. Saisi, Marc le regardait. Enfin, c’était donc le document qu’il avait cru détruit, c’était le fait nouveau tant cherché ! Il tenait un exemplaire, exactement pareil à celui qui avait figuré au procès, avec les mots : « Aimez-vous les uns les autres », accompagnés du paraphe illisible, où les experts avaient voulu voir les initiales de Simon ; et il devenait difficile de soutenir que ce modèle ne sortait pas de chez les frères, car il était reproduit sur toute une page du cahier de Victor, de la main même de l’enfant. Mais, tout d’un coup, Marc eut comme un éblouissement : dans le coin de gauche, en haut, le coin qui manquait à la pièce du procès, se trouvait, très net et intact, le cachet dont les frères timbraient les objets appartenant à leur école. L’affaire s’éclairait d’une brusque lueur, quelqu’un avait déchiré le coin du modèle trouvé chez Zéphirin, pour supprimer le cachet et dépister les recherches de la justice.

Frémissant, Marc prit les deux mains de Mme Alexandre, dans un élan de gratitude et de sympathie.

— Ah ! madame, vous faites là une belle et grande action, et que la mort ait pitié, qu’elle vous rende votre fils !

À ce moment, ils s’aperçurent que Sébastien, qui n’avait point donné signe de connaissance depuis la veille, venait d’ouvrir les yeux et les regardait. Ils en furent bouleversés. Le malade reconnut Marc, mais il avait du délire encore, il balbutia d’une voix très basse :

— Monsieur Froment, quel beau soleil ! je vais me lever, et