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douce Mme Alexandre, avec son pâle visage blond, et qui avait passionnément aimé son mari, s’était comme cloîtrée depuis son veuvage, en reportant toute sa passion contenue sur cet enfant blond comme elle, doux comme elle. Et Sébastien, caressé et gâté par elle, l’aimait de son côté, d’une sorte d’idolâtrie filiale, ainsi qu’une mère divine à laquelle il ne pourrait jamais rendre les délicieux bienfaits qu’il en avait reçus. Il y avait là tout un lien puissant et fort d’adorable tendresse, un de ces amours infinis où deux êtres se confondent, à ce point que l’un d’eux ne saurait quitter l’autre, sans lui arracher le cœur. Lorsque Marc arrivait dans l’étroite pièce de l’entresol, au-dessus de la boutique, une pièce sombre et chaude, il trouvait Mme Alexandre éperdue, contenant ses larmes, s’efforçant de sourire à son fils, amaigri déjà, brûlant de fièvre.

— Eh bien ! mon bon Sébastien, ça va mieux, aujourd’hui ?

— Oh ! non, monsieur Froment, ça ne va pas bien, pas bien du tout.

Il pouvait à peine parler, la voix basse et courte. Mais la mère, les yeux brûlés, frissonnante, s’écriait gaiement :

— Ne l’écoutez pas, monsieur Froment, il est beaucoup mieux, nous le tirerons de là.

Et, quand elle accompagnait l’instituteur jusque sur le palier, elle s’effondrait, la porte close.

— Ah ! mon Dieu ! il est perdu, mon pauvre enfant est perdu ! N’est-ce pas abominable, un garçon si beau, si fort ?

Et le voir si changé, avec son pauvre visage réduit à rien, où il n’y a plus que des yeux !… Mon Dieu ! mon Dieu ! Je me sens mourir avec lui !

Elle étouffait ses cris, elle essuyait rudement ses larmes, puis elle rentrait avec son sourire dans la chambre d’agonie, où elle passait les heures, sans sommeil, sans aide, à lutter contre la mort.