l’âme. Et, un instant, ils restèrent debout, saisis, ne pouvant comprendre.
— Vous ne savez pas, vous ne savez pas ? cria-t-elle enfin, eh bien ! c’est fait, ils vont me le tuer. Ah ! il le sentait, il le disait, que ces bandits-là achèveraient d’avoir sa peau !
Et, comme elle continuait à gémir, avec des paroles entrecoupées, Marc finit par lui arracher la navrante histoire. Au régiment, Férou s’était fatalement montré un très mauvais soldat. Et, mal noté par ses chefs, traité en esprit révolutionnaire, il en était venu, dans une querelle avec son caporal, à tomber sur lui à coups de pied et à coups de poing. Après l’avoir jugé pour ce fait, on allait l’expédier en Algérie, dans un bagne militaire, une de ces compagnies de discipline où persistent les tortures abominables d’autrefois.
— Il n’en reviendra pas, ils l’assassineront, reprit-elle furieusement. Il m’a écrit pour me dire adieu, il sait bien qu’il va mourir… Et qu’est-ce que je vais faire, moi ? qu’est-ce que vont devenir mes pauvres enfants ? Ah ! les bandits, les bandits !
Pendant que Marc écoutait, navré, sans pouvoir trouver une parole de consolation, Geneviève commençait à donner des signes d’impatience.
— Mais, ma chère madame Férou, pourquoi voulez-vous qu’on vous tue votre mari ? Les officiers, dans l’armée, n’ont pas l’habitude de tuer leurs hommes… Vous aggravez votre peine, en vous montrant injuste.
— Ce sont des bandits ! répéta la malheureuse avec un redoublement de violence. Comment ! voilà mon pauvre Férou qui a crevé de faim pendant huit ans, à faire la plus ingrate des besognes ; et on le reprend pour deux ans, on le traite en bête parce qu’il a parlé en homme de bon sens ; et, maintenant qu’il arrive ce qui nécessairement devait arriver, on l’envoie au bagne, on achève de