les dévotes ; tandis que l’abbé était un homme doux et sage, un directeur paternel, aux longs silences de tristesse, et dans lequel elle devinait confusément un ami, souffrant des luttes fratricides, souhaitant la paix de tous les travailleurs de bonne volonté. Elle se trouvait encore à cette minute de tendresse, où sa raison s’inquiétait, tout en s’obscurcissant peu à peu, avant de sombrer dans la passion mystique. Et, chaque jour, elle subissait des assauts plus graves, elle se laissait reprendre et posséder davantage, par l’entourage troublant de ces dames, un lent engourdissement de gestes onctueux et de paroles caressantes, qui achevaient de l’assoupir. Vainement Marc retourna plus souvent place des Capucins, il ne put empêcher le poison de faire son œuvre.
D’ailleurs, rien encore d’autoritaire ni de brutal n’apparaissait. On attirait simplement Geneviève, on la flattait, on la cajolait, avec des mains de douceur. Et aucune parole violente n’était prononcée contre son mari, c’était au contraire un homme bien à plaindre, un pécheur dont on voulait le salut. Le malheureux ignorait l’incalculable mal qu’il faisait à la patrie, toutes ces âmes d’enfants qu’il perdait, qu’il envoyait en enfer, dans son abominable obstination de révolte et d’orgueil. Puis, on en vint à exprimer devant elle le vœu, d’abord à peine formulé, de plus en plus net ensuite, de la voir se consacrer à une œuvre admirable, la conversion du pécheur, le rachat divin de l’homme coupable qu’elle avait la faiblesse d’aimer toujours. Quelle joie et quelle gloire pour elle, si elle le ramenait à Dieu, si elle arrêtait ainsi sa rage de destruction, en le sauvant et en sauvant par là même ses victimes innocentes de la damnation éternelle ! Pendant plusieurs mois, avec un art infini, elle fut de la sorte préparée, travaillée pour la besogne qu’on attendait d’elle, dans l’espoir évident de déterminer la rupture conjugale, en heurtant les deux principes inconciliables,