ne disait pas la prière avec les autres. Ce qui le répugnait, chez Mlle Rouzaire, c’était moins ce zèle clérical, dont elle semblait brûler, que son hypocrisie certaine, l’âpre intérêt personnel qui dirigeait chacun de ses actes. Et ce manque de foi véritable, cette simple exploitation de la sentimentalité pieuse, apparaissait si nettement, que Geneviève elle-même s’en trouvait blessée, dans sa droiture encore intacte. Aussi ce que Mignot redoutait ne s’était-il pas produit, Geneviève avait repoussé les avances de Mlle Rouzaire, prise d’une soudaine amitié pour sa voisine, désireuse de se glisser dans ce ménage, ou elle flairait le drame possible. Quelle joie mauvaise et quelle gloire, si elle avait pu travailler aussi là pour l’Église, rendre ce service à la congrégation de séparer la femme du mari, de montrer le doigt de Dieu s’appesantissant sur l’instituteur laïque, le foudroyant à son foyer ! Elle essayait bien, très aimable, très insinuante, sans cesse aux aguets derrière le mur mitoyen, dans l’attente d’une occasion qui lui permettrait d’intervenir, de consoler la pauvre petite femme persécutée ; et elle risquait parfois des allusions, des sympathies, des conseils : c’était si triste de n’avoir pas les mêmes croyances dans un ménage, on ne pouvait pourtant perdre son âme, le mieux était alors de résister avec douceur. Elle avait eu la joie, à deux reprises, de voir pleurer Geneviève. Puis, celle-ci s’était écartée, envahie de malaise, évitant toutes confidences nouvelles. Cette femme, si doucereuse, avec sa taille de gendarme, son goût pour l’anisette et sa façon de parler des prêtres, des hommes comme les autres après tout, dont on avait bien tort de dire du mal, lui causait une répulsion invincible. Et Mlle Rouzaire, blessée, avait exécré un peu plus le ménage voisin, ne gardant d’autre action pour lui être désagréable que son autorité d’institutrice sur la petite Louise, cette élève intelligente dont elle s’entêtait à
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