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dormir l’affaire, pour gagner du temps, user les volontés. Son sourd appui donné à l’instituteur n’était pas douteux, comme Salvan, son collaborateur et ami, en avait discrètement prévenu ce dernier. Mais il n’aurait pas fallu que l’affaire s’aggravât, que le scandale croissant l’obligeât d’intervenir ; car, pour qui le connaissait, il ne défendrait pas Marc au-delà du possible, il l’exécuterait certainement, s’il croyait opportun ce sacrifice, afin de sauver le reste de son action, plus lente et plus opportune, contre les écoles congréganistes. Tout héroïsme révolutionnaire lui était fermé, déplaisant même. Et le pis était que les choses se gâtaient chaque jour à Maillebois. Sous une inspiration aisée à reconnaître, Le Petit Beaumontais menait à présent une campagne atroce contre Marc. Il avait commencé, comme toujours, par des notes brèves et vagues : des abominations se passaient dans une petite ville voisine, et il finirait par préciser, si on l’y forçait. Puis, il avait carrément nommé l’instituteur Froment, ouvrant une rubrique presque quotidienne, sous ce titre : « Le Scandale de Maillebois », y publiant d’extraordinaires commérages, une prétendue enquête auprès des élèves et de leurs familles, dans laquelle l’instituteur était convaincu des crimes les plus noirs. La population bouleversée se passionnait, les bons frères et les capucins achevaient de souffler la terreur, il n’était pas une dévote qui ne se signât en passant devant l’école communale, où se pratiquaient de telles abominations. Et Marc, dès lors, eut conscience d’être en grand péril. Mignot, bravement, faisait ses paquets, certain d’être emporté dans la débâcle de son directeur, pour lequel il avait pris parti. Mlle Rouzaire affectait déjà des airs de victoire, le dimanche, quand elle menait, en grand étalage, ses fillettes à la messe. Le père Théodose, dans sa chapelle, et même le curé Quandieu, à son prône, dans sa chaire