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remis sur la défensive. Encore un avec lequel il ne fallait pas non plus faire cause commune, si l’on tenait à son avancement ! Pendant près d’une année, il avait donc montré son hostilité, prenant pension au dehors, aidant à regret son chef, le blâmant par son attitude. Il fréquentait alors beaucoup Mlle Rouzaire, semblait prêt à se mettre aux ordres de la congrégation. Et Marc ne paraissait pas s’en émouvoir, très affectueux pour son adjoint, ayant l’air de vouloir lui donner le temps de réfléchir et de comprendre où était son véritable intérêt, avec la vérité et la justice. En somme, ce gros garçon, si calme, sans autre passion que la pêche à la ligne, n’était-il pas un champ d’expérience intéressante ? Lâche devant les nécessités de l’avenir, un peu gâté par le milieu de féroce égoïsme, il n’avait rien de foncièrement mauvais, il devait devenir plutôt bon, s’il tombait en de bonnes mains. Il était du grand troupeau, de la moyenne des hommes, ni meilleurs ni pires, qui sont ce qu’en font les circonstances. D’une instruction suffisante, et même d’un esprit droit, à la condition d’être soutenu, aidé par une volonté, une intelligence. Et c’était cette expérience, ce sauvetage qui avait tenté Marc, heureux de gagner pas à pas la confiance, puis l’affection de cet égaré, de se prouver ainsi celle dans laquelle il mettait tout son grand espoir de délivrance future, qu’il n’est pas un homme, même en perdition, dont on ne puisse faire un ouvrier du progrès. Mignot avait fini par être acquis à tant de gaieté active, à cette bienfaisante chaleur du juste et du vrai que Marc épandait autour de lui, telle qu’une émanation de sa personne. Maintenant, l’adjoint prenait ses repas chez le directeur, et il était comme de la famille.

— Vous avez tort de ne pas vous méfier de Mlle Rouzaire, reprit-il. Vous ne vous doutez pas de ce dont