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devait dire, même à Salvan, la vérité exacte, qu’il avait cachée à tous. Puis, lentement, en cherchant ses mots :

— Le fait nouveau… Non, je n’ai encore rien de décisif Salvan ne remarqua pas son hésitation.

— C’est bien ce que je pensais, car vous m’auriez prévenu, n’est-ce pas ?

Le bruit n’en court pas moins d’une trouvaille faite par vous, un document d’une importance capitale mis par le hasard entre vos mains, la foudre enfin que, dès maintenant, vous tiendrez suspendue sur la tête du vrai coupable et de ses complices, toute la cléricale du pays.

Stupéfait, Marc écoutait toujours. Qui avait pu parler, comment l’aveu du petit Sébastien et la démarche de la mère, Mme Alexandre, s’étaient-ils ainsi répandus, en se grossissant ? Brusquement, il se décida, il jugea nécessaire de mettre au courant son ami, son conseiller, l’homme brave et sage en qui était toute sa confiance. Il lui conta les choses, et comment il savait qu’un modèle d’écriture venant de chez les frères, semblable au modèle accusateur, avait existé, et comment ce modèle se trouvait détruit.

Très ému, Salvan se leva.

— C’était la preuve ! cria-t-il. Mais vous avez raison de vous taire et ne pas bouger, puisque nous ne tenons rien. Il faut attendre… Et je comprends, maintenant, d’où vient l’inquiétude, la terreur sourde que je sens depuis quelques jours chez nos adversaires. Quelques mots auront échappé, vous savez l’inexplicable travail qui se fait parfois, une parole dite par hasard et dès lors livrée aux quatre vents du ciel. Peut-être même n’a-t-on rien dit, une force mystérieuse livre les secrets à la circulation, en les dénaturant. Enfin, une secousse vient de se produire, le coupable et ses complices ont certainement senti la terre trembler sous eux. Et ils s’effarent, c’est bien naturel, car ils ont à défendre leur crime.