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des chefs militaires. S’il était nécessaire de continuer à se garder, au milieu des voisins en armes, il était plus nécessaire encore d’être les travailleurs, les libres et les justes citoyens, à qui demain appartiendrait.

Quand la France entière saura et voudra, quand elle sera le peuple libéré, les empires les plus bardés de fer crouleront autour d’elle, envahis par son souffle de vérité et de justice, qui fera ce que ne feront jamais ses armées et ses canons. Les peuples éveillent les peuples, et le jour où les peuples, un à un, se lèveront, instruits par l’exemple, ce sera la victoire pacifique, la fin de la guerre. Marc ne concevait pas de plus beau rôle pour son pays, il mettait la grandeur de la patrie, dans ce rêve de fondre toutes les patries en une même patrie humaine. Et c’était pourquoi il surveillait les livres et les images mis entre les mains de ses élèves, écartant les mensonges des miracles, les égorgements des batailles, les remplaçant le plus possible par les livres de la science, les travaux féconds de l’homme. L’unique source d’énergie est dans le travail, pour le bonheur.

Au cours de la deuxième année, les bons résultats se firent déjà sentir. Marc, divisant son école en deux classes, s’était chargé de la première, les enfants de neuf à treize ans, tandis que Mignot s’occupait de la seconde, ceux de six à neuf ans. Il avait adopté aussi l’usage des moniteurs, dont il savait tirer des avantages, pour l’économie de temps et l’émulation entre élèves. Pas une minute n’était perdue, les devoirs écrits, les leçons orales, les explications au tableau, tout le travail scolaire marchait à la fois, d’un train régulier, dans un grand ordre ; et, pourtant, il laissait aux enfants le plus d’indépendance possible, causant avec eux, provoquant leurs objections, n’imposant rien par son autorité de maître, voulant que leur certitude vînt surtout d’eux-mêmes, de sorte que les deux classes gardaient une libre gaieté, un continuel attrait, grâce à cette étude vivante,