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fidèles debout, hurlant, tendant leurs mains ouvertes et convulsives, pour recevoir la pluie des lots gagnés, qui tombaient du ciel.

Saisi de colère et de dégoût, Marc ne put rester davantage. Il avait vu le père Crabot attendre un sourire bienveillant de Mgr Bergerot, puis avoir avec lui un amical entretien, remarqué de tous ; et, pendant ce temps, l’abbé Quandieu souriait lui aussi, avec un pli d’amère douleur au coin des lèvres.

C’en était fait, la victoire des frères et des moines du catholicisme d’idolâtrie, de servitude et d’anéantissement, allait être complète. Et il sortit de la chapelle, étouffant, ayant besoin d’un flot de soleil et d’air pur. Mais, sur la place des Capucins, le saint le poursuivit. Il y avait là des groupes de dévotes qui causaient avec animation, comme il arrivait autrefois, lorsque la foule des joueuses s’attardait à la porte des bureaux de loterie.

— Oh ! moi, disait une grosse femme, très grasse et dolente, je n’ai pas de chance, je ne gagne jamais à aucun jeu. C’est peut-être bien pour ça que saint Antoine ne m’écoute guère. Trois fois j’ai donné quarante sous, une fois pour ma chèvre malade, qui n’en est pas moins morte, la seconde fois pour une bague perdue, que je n’ai pas retrouvée, la troisième pour des pommes en train de se pourrir, dont je n’ai pu me défaire… Enfin, un vrai guignon !

— Ah bien ! ma chère, vous avez trop de patience répondait une petite vieille, sèche et noire. Moi, quand saint Antoine fait la sourde oreille, je le force bien à m’entendre.

— Comment ça, ma chère ?

— Je le punis donc !… Tenez ! j’avais ma petite maison qui ne se louait pas, parce qu’on se plaint qu’elle est trop humide et que les enfants y meurent. Alors, j’ai donné trois francs, et j’ai attendu : rien, toujours pas de locataires.