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une confusion, une sorte de honte, tant il crut sentir en eux de soumission douloureuse, d’abandon forcé, sous leur visage pâle et grave.

L’histoire était simple, Marc la devinait aisément : toute une démence, une ruée irrésistible des fidèles, qui avait fini par emporter le curé et l’évêque. Quelque temps, l’abbé Quandieu avait résisté, refusant de mettre dans son église paroissiale un tronc pour saint Antoine de Padoue, ne voulant pas se prêter à ce qu’il considérait comme une idolâtrie, une corruption de l’esprit religieux. Puis devant le scandale qu’il soulevait, devant la solitude où il tombait chaque jour davantage, une angoisse l’avait pris, il s’était demandé si la religion ne finissait pas par souffrir de son intransigeance, il avait dû se résigner à couvrir la plaie nouvelle du manteau sacré de son sacerdoce. Un jour, il était allé porter son doute, sa lutte, sa défaite, à l’évêché, et Mgr Bergerot, vaincu comme lui, craignant comme lui une diminution du pouvoir de l’Église, si elle avouait ses folies et ses tares, l’avait embrassé en pleurant, en lui promettant d’assister à la solennité, qui devait sceller la réconciliation. Mais quelle amertume, quelle douleur secrète chez les deux prêtres, le prélat et le simple curé de petite ville, unis dans la même foi ! Ils souffraient de leur impuissance, de leur lâcheté nécessaire, de cette déroute à laquelle ils s’abandonnaient, en réprouvant les misères et les hontes ; et ils souffraient plus encore de leur idéal sali, jeté à toutes les sottises, à toutes les cupidités humaines, de leur foi dont on trafiquait, qui saignait en eux, agonisante. Ah ! ce christianisme, si pur à ses débuts, un des plus beaux cris de fraternité et de délivrance, et même ce catholicisme, d’un vol si hardi, machine puissante de civilisation, dans quelle boue ils allaient finir, s’il fallait ainsi les laisser choir parmi les plus vilains commerces, devenus la proie des passions basses, objets de