retrouvés à Jonville, dans notre nid si étroit, l’un à l’autre.
Il s’interrompit, frémissant ; puis, il cria encore :
— Non, non ! qu’on me laisse où je suis ! J’y fais mon devoir, j’y mène à bien une œuvre que je crois bonne. Chaque ouvrier ne peut qu’apporter sa pierre au monument.
Salvan s’était mis à marcher avec lenteur dans son cabinet. Il s’arrêta devant Marc.
— Mon ami, je ne voudrais pas vous pousser au sacrifice. Si votre bonheur se trouvait compromis, si les amertumes du dehors empoisonnaient jusqu’à votre foyer, j’en aurais un mortel regret. Mais, je le sais, vous êtes du métal dont on fait les héros… Ne me donnez donc pas votre réponse immédiate. Prenez huit jours pour réfléchir, revenez me voir jeudi prochain. Et nous causerons encore, nous prendrons une décision.
Marc rentra le soir à Jonville, très préoccupé, la tête bourdonnante du cas de conscience qu’il se posait. Devait-il faire taire ses craintes, qu’il n’osait s’avouer à lui-même, s’engager dans une lutte certaine avec la grand-mère et la mère de sa femme, où pouvait s’anéantir toute la joie de sa vie ? Il résolut d’abord de s’expliquer franchement avec Geneviève ; puis, il n’osa pas, il sentait trop bien qu’elle allait simplement lui répondre d’agir à son idée, selon son devoir. Il ne lui parla même pas de l’offre de Salvan, envahi d’une angoisse croissante, mécontent de lui-même. Deux jours se passèrent, dans l’hésitation et le doute, et il en vint à examiner la situation, les raisons diverses qui pouvaient le décider à accepter ou à refuser le poste de Maillebois.
D’abord, la petite ville s’évoqua, telle qu’il la connaissait bien depuis l’affaire Simon. Il revit Darras, le maire, un bon homme, un esprit avancé, n’osant même plus être tout haut un juste, par peur d’y laisser son mandat,