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gris l’avocat, maître Delbos, l’anarchiste, comme il le nommait, qu’il s’était engagé à supprimer, d’un coup de pouce. En attendant, il faisait de l’esprit, cherchait à provoquer les rires, peu à peu irrité de l’attitude calme de Simon, qui, ne mentant pas, ne pouvait se contredire ni se laisser entamer, Il devint insolent, tâcha vainement d’amener une protestation de Delbos, lequel, connaissant l’homme, se taisait, avec un sourire. Et, en somme, cette première journée, en réjouissant les simonistes, inquiéta fort les anti-simonistes, car l’accusé, par ses explications très claires, avait parfaitement établi l’heure de son retour à Maillebois, la façon dont il était monté tout droit rejoindre sa femme, sans que le président pût opposer à ses déclarations un fait certain, prouvé. À la sortie, des huées accueillirent les témoins de la défense, on faillit se battre sur les marches du palais de justice.

Le mardi, l’interrogatoire des témoins commença, au milieu d’une affluence encore plus grande. Et, d’abord, ce fut l’instituteur adjoint Mignot, qui parut moins affirmatif que dans l’instruction, n’osant plus préciser l’heure où il avait entendu des bruits de voix et de pas, comme si sa conscience de simple et brave garçon commençait à se troubler, devant les conséquences terribles d’un pareil témoignage. Mais Mlle Rouzaire fut d’une dureté, d’une précision impitoyables : elle, tranquillement, donnait l’heure exacte, onze heures moins un quart, en ajoutant même qu’elle avait parfaitement reconnu la voix et le pas de Simon. Puis, il y eut un long défilé d’employés de chemin de fer, d’employés de l’octroi, de simples passants, pour établir si l’accusé avait pris le train de dix heures et demie, ainsi que le prétendait l’accusation, ou s’il était rentré à pied, selon sa version à lui : dépositions interminables, confuses et contradictoires, qui laissèrent une impression plutôt favorable à la défense.